POLITIQUE La mise en consultation de la stratégie de coopération internationale 2025-2028 du Conseil fédéral a provoqué de nombreuses oppositions. Explications avec Bernd Nilles, directeur d’Action de Carême, engagée pour défendre une politique suisse solidaire.
La dernière stratégie présentée est controversée car le Conseil fédéral souhaite réduire d’au moins un milliard l’aide aux plus démunis dans le monde au profit de la reconstruction de l’Ukraine. Dans cette stratégie, 11,45 milliards de francs sont budgétés. De cette somme, 1,5 milliard de francs sont destinés au soutien de l’Ukraine et 1,6 milliard de francs à la lutte contre le changement climatique. Cela impose deux tâches énormes dans le budget de la coopération au développement, sans que les ressources totales ne soient augmentées. Il est évident que la Suisse doit contribuer au soutien de l’Ukraine et à la lutte contre la crise climatique. Cependant, si le Conseil fédéral ne fournit pas de ressources supplémentaires, cela modifiera l’orientation de la coopération internationale suisse.
Parce que les fonds pour l’Ukraine (13% du budget total) représenteraient plus de la moitié de l’argent alloué à l’ensemble de l’Afrique. Ainsi, un seul pays recevrait la moitié de ce qu’un continent entier recevrait. Les autres régions prioritaires, en particulier l’Afrique subsaharienne, ainsi que l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient, devraient être renforcées. Cela ne serait plus possible avec le budget prévu pour l’Ukraine. Malgré les crises mondiales qui plongent des millions de personnes dans la pauvreté et la faim, le Conseil fédéral souhaite réduire les fonds de la coopération internationale à seulement 0,36% du produit intérieur brut – au lieu des 0,5% demandés par le Parlement ou de l’objectif de 0,7% fixé par les Nations unies. C’est une grande contradiction, car il est évident qu’atteindre ces buts nécessite beaucoup plus de ressources.
Alliance Sud a lancé cette campagne en collaboration avec des membres tels qu’Action de Carême et des organisations amies, parmi lesquelles figure aussi Interaction, parce que la question de la solidarité envers les plus démunis concerne tout le monde. Les gens doivent savoir ce que le Conseil fédéral prévoit et comment cela affecte la situation mondiale actuelle. Pour les raisons citées ci-dessus, nous demandons que le soutien à l’Ukraine et la lutte contre le changement climatique soient financés par des ressources supplémentaires, et non par le budget ordinaire de la coopération internationale. Sinon, les plus démunis seront touchés doublement : par la guerre en Ukraine et le blocus de la mer Noire qui les privent de céréales essentielles, et par le changement climatique provoqué par des pays riches, qui entraîne des pertes de récoltes et une diminution des lieux de vie possibles. Tout cela contribue à l’augmentation massive de la faim dans le monde.
Dans l’Évangile, cette mission des chrétiens est perceptible : «Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais étranger, et vous m’avez recueilli» (Mt 25). Depuis les années 1960, des thèmes tels que la décolonisation, la solidarité avec les pauvres et la préservation de la Création sont devenus importants dans l’Église et la société. Dans ce contexte, il est important de rappeler non seulement à nous-mêmes, mais aussi au gouvernement suisse, notre devoir constitutionnel de soulager la pauvreté et de protéger l’environnement. Cela comprend la nécessité de s’opposer à une réduction de l’aide au développement.
En collaboration avec
Cet article a été rédigé par StopPauvreté et publié dans le Christianisme Aujourd’hui du mois de mars 2024.