Au printemps dernier, le Conseil Fédéral a publié son deuxième rapport national concernant la mise en œuvre de l’Agenda 2030 et de ses 17 Objectifs de développement durable (ODD). Alors qu’il ne reste qu’un peu moins de huit ans pour les atteindre, Andrina Frey, adjointe et conseillère du délégué du Conseil fédéral à l’Agenda 2030 au Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) fait le point avec nous sur les progrès de la Suisse, ainsi que ses défis.
Les avancées concernent deux plans : l’amélioration de la structure pour accompagner la mise en œuvre des ODD, et leur réalisation à proprement parler. Tout d’abord, un changement de paradigme important a dû être effectué, avec la prise de conscience de l’universalité de l’Agenda 2030. Il ne suffit plus de penser que le développement durable touche uniquement les autres, comme les pays du Sud, et de se contenter de contribuer aux programmes à l’étranger; la mise en place doit se faire au niveau national également, et c’est là que nous avons le plus de marge de manœuvre. Le premier pas en avant a donc été l’aménagement d’une nouvelle structure organisationnelle, en 2018, de façon à pouvoir développer des stratégies transversales. Cela n’était pas chose facile dans un système politique décentralisé comme le nôtre, qui nécessite un processus de négociation permanent.
Le dernier rapport du Conseil Fédéral dresse un état des lieux des grandes lignes stratégiques. Je peux citer quelques exemples : au niveau de l’égalité des chances, la représentation des femmes au Conseil national a augmenté de 16% par rapport à 2003 et la dynamique est bonne dans le domaine des énergies renouvelables; nous avons atteint les objectifs fixés à court terme. La consommation d’électricité en Suisse diminue, et le photovoltaïque se développe bien. Dans le domaine de la santé également, beaucoup de choses évoluent : la consommation d’alcool et de tabac ont diminué au cours des dernières années. En revanche, les problèmes d’obésité augmentent, ce qui
est alarmant.
Il ne faut pas oublier qu’atteindre des changements fondamentaux de mentalité et de politique nécessite une collaboration entre les différents acteurs, nationaux et internationaux. Et que cela ne peut fonctionner que si ces changements s’ancrent dans tous les domaines de la société. La guerre en Ukraine a mis en évidence les dépendances internationales en matière d’énergie et nous a placés dans une situation d’urgence. Un développement rapide de l’approvisionnement énergétique national devient donc de plus en plus important. Cependant, le déploiement d’énergies renouvelables peut parfois entrer en conflit d’intérêts avec d’autres objectifs comme la préservation de la biodiversité, par exemple dans le développement de l’énergie éolienne ou hydraulique. Cela peut créer des frustrations car tout le monde aimerait des réponses simples alors qu’il s’agit de réalités complexes.
Les thèmes prioritaires définis dans la Stratégie pour le développement durable 2030 sont justement ceux pour lesquels la Suisse reconnaît qu’elle a le plus de travail à faire. Il s’agit des domaines de consommation et de production durables, du climat, de l’énergie et de la biodiversité, ainsi que la promotion de l’égalité des chances et de la cohésion sociale. Cela dit, ces thématiques sont récurrentes dans les pays industrialisés. Un pays avec un revenu élevé par habitant enregistre une forte consommation des ressources liées à l’alimentation, à l’approvisionnement en énergie et en carburant. Les habitants peuvent s’offrir plus de produits, donc gaspillent davantage.
Oui, en comparaison internationale. La consommation de matières premières augmente, mais elle n’est pas proportionnelle à l’augmentation de la population, donc l’empreinte matérielle par personne diminue. Néanmoins, si tout le monde consommait comme les Suisses, nous aurions besoin de presque trois planètes pour répondre à nos besoins.
Les conseils pour la société sont toujours les mêmes : consommer plus de produits locaux, mais surtout se questionner davantage sur nos réels besoins. Doit-on obligatoirement posséder davantage, ou ce que nous possédons doit-il être plus durable ? Nous voyons émerger beaucoup d’initiatives intéressantes dans le domaine de l’économie circulaire, comme le fait de ramener les habits que nous n’utilisons plus dans des points de collecte. Ce sont toutes ces petites choses qui peuvent faire la différence. Pour observer de réels changements, la société civile, les milieux de la formation, de la recherche, de l’économie et des finances peuvent produire des effets de levier importants. Nous remarquons que lorsqu’une banque change son modèle, c’est parce que ses clients demandent que leur argent soit investi de façon plus durable. Cela montre que nos choix individuels influencent à terme
l’ensemble de la société.
Cet article a été publié dans le magazine annuel StopPauvreté ‘S’engager pour un monde plus juste’
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